Des tissus pour se camoufler

Devenir invisible est depuis longtemps un des grands rêves de l’humanité. Si ce rêve à longtemps été cantonné aux romans de SF ou de magie (coucou Harry Potter !), les derniers développements technologiques brouillent de plus en plus la limite entre fiction et réalité. Nous vous proposons un tour d’horizon des derniers projets ayant retenu notre attention sur cette thématique, avec des approches qui restent très différentes les unes des autres.

 

Pour commencer ce tour d’horizon, revenons sur un projet qui avait fait parlé de lui lors de son lancement sur la plateforme de crowdfunding Betabrand, : Flashback est une collection lancée par le DJ et producteur Chris Holmes, avec un objectif simple : vous rendre invisible aux yeux des paparazzi !

Grâce aux 5 pièces de la collection (une veste et un pantalon de costume, une casquette, un foulard, et un sweat à capuche), le moindre flash vous rend non-reconnaissable. En effet, ceux-ci sont fabriqués dans un tissu ultra réfléchissant, incluant de minuscules nano-sphères en verre, ce qui surexpose les photographies. Un projet très spécifique, mais qui montre bien l’évolution des tissus vers de nouveaux univers.

 

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Flashback, un projet lancé par Chris Holmes

Pour vous offrir un de ces vêtements, comptez de quelques dizaines (49,30, soit environ 44 €) pour la casquette à près de 230 dollars (227,80, soit environ 205 €) pour le pantalon !

 

Au Canada, Guy Cramer développe depuis de nombreuses années, via son entreprise HyperStealth Biotechnology Corp, de nouvelles technologies de tissus camouflants. Malheureusement (et on peut le comprendre) ces nouveaux concepts sont tenus secrets, via une politique de propriété intellectuelle plutôt originale. On apprendra seulement que ces tissus utilisent là des technologies de propagation et de détournement de la lumière, et que les gouvernements canadien, jordanien, ou américain sont dans les startings blocks, soit via des contrats avec Mr Cramer, soit via le développement de leurs propres solutions.

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Guy Cramer, fondateur de HyperStealth (credits: GlobeandMail)

 

Hyperstealth annonce ainsi que les objets recouverts de ce tissu sont 240 % plus dur à détecter et 170% plus difficile à reconnaitre, étude scientifique à l’appui.

 

Mais se camoufler, ce n’est pas seulement se dérober à la vue d’une personne. Le projet KOVR développe quant à lui une nouvelle définition du camouflage, orienté vers la privacy numérique. Si les 2 premières pièces des créateurs néerlandais Marcha Schagen et Leon Baauw sont plutôt voyantes dans la rue, elles sont dans le même temps un allié de choix pour les consommateurs concernées par les questions de privacy.

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Le manteau KOVR, à la fois voyant et discret (credit : KOVR)

 

En effet, le sac KOVR et le manteau KOVR sont tous les deux fabriqués à l’aide de tissus combinant des couches de nickel, cuivre et polyester et qui bloquent les ondes, ce qui permet à leur acheteur à la fois d’échapper à la géolocalisation de leur smartphone, mais également de sécuriser leurs informations accessibles en NFC (comme les coordonnées bancaires ou de transports). Et donc de s’éloigner du tracking numérique…

 

 

L’exposition Extra Fantômes, qui a lieu actuellement à la Gaîté lyrique jusqu’au 31 juillet, explore aussi la question de l’invisibilité à l’ère des nouvelles technologies. AnneSophie Bérard, consultante artistique pour l’exposition aux côtés du studio Daily tous les jours, nous explique : « l’exposition s’interroge sur la représentation des fantômes à l’ère du numérique. Si les deux premiers parcours s’intéressent aux formes plus traditionnelles (le surnaturel, les trains fantômes…), le troisième parcours questionne les nouveaux fantômes : ces machines qui nous surveillent par exemple, ou encore ces ondes impalpables qui nous entourent constamment…. C’est un sujet brûlant, qui est abordé autant par les artistes que par les scientifiques.»

 

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Des techniques de maquillage pour tromper les caméras (credits: Adam Harvey)

 

Ainsi l’artiste américain Adam Harvey y expose deux séries d’œuvres, afin de nous faire disparaître aux yeux des machines. Son projet CV Dazzle propose une technique de coiffure et de maquillage afin d’empêcher notre reconnaissance faciale par les caméras de surveillance. « L’œuvre fait référence à une technique de camouflage naval, dazzle ou camouflage disruptif, très utilisée durant la première guerre mondiale, explique Anne-Sophie Bérard. Il s’agissait d’un procédé d’illusion optique : on peignait les bateaux avec des motifs complexes, des lignes qui s’enchevêtrent et des aplats très contrastés afin que l’adversaire ne parvienne plus à estimer précisément ni le type de navire, ni son positionnement, ni sa vitesse. Ici, Adam Harvey reprend le même principe, en créant un maquillage et/ou un jeu de coiffure qui  déjoue les systèmes de surveillance.»

 

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La burqa drone, un projet d’Adam Harvey

 

Son autre projet exposé, Stealth wear,  est une ligne de vêtements destinée à nous protéger de surveillance des drones : grâce à ces vêtements tissés de métal, les caméras thermiques ne peuvent plus nous détecter. « Ce qui est intéressant dans les projets de cet artiste, ajoute Anne-Sophie Bérard, c’est de constater que la mode devient ici un véritable objet politique : On utilise le vêtement, l’accessoire et la coiffure pour protéger sa vie privée. Et le paradoxe entre la réalité et la virtualité peut faire sourire : car si les caméras ne nous reconnaissent plus, il est certain que ce genre de look ne passera pas inaperçu dans la rue ! »

 

 

L’œil Look Forward :

Toutes ces innovations correspondent à des usages et des réflexions multiples, qui sont critiques pour un certain nombre d’acteurs : les entreprises et les ministères de la Défense, mais également les individus les plus concernés par la privacy : partisans du low-tech, mais aussi stars les plus exposées.

Il est aussi intéressant de noter que la plupart des projets ne sont pas le fruit de spécialistes du textile intelligent : de là à penser qu’il faut du sang neuf et des profils multidisciplinaires pour innover, il n’y a qu’un pas !

 

 

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