Découvrez la grande gagnante du concours mode durable et innovante de Showroomprivé

Vendredi 15 juin dernier, salle Wattremez à Roubaix s’est tenu le défilé annuel de l’Ecole ESMOD. A cette occasion, Coline Rivière, directrice de la Fondation Showroomprivé a remis le prix « coup de cœur Showroomprivé » à Stéphanie Da Costa pour son incroyable collection nommée HYBRID. Rencontre avec cette jeune créatrice de 24 ans, déjà bien engagée pour une mode durable et innovante.

Quelles ont été tes intentions créatives et d’où est né le projet ?

Ayant un attrait particulier pour la Tech et l’innovation, particulièrement appliquées au domaine de la mode, je suis passionnée par les progrès technologiques. Au début de ma troisième année d’étude, j’ai commencé à effectuer des recherches sur le sujet et suis tombée sur une conférence de Neri Oxman pour les TED Talks. Neri est une designer connue pour son travail en architecture bioclimatique et en morphogène numérique et comme professeure pour la prestigieuse université MIT qui s’attèle au développement de matières innovantes. Ce qui m’a donné l’idée de rechercher une nouvelle technique de fabrication, innovante et inutilisée jusqu’à présent dans les filières du textile. C’est par ce biais que j’ai découvert l’existence du stylo 3D. Je souhaitais expérimenter par moi-même son utilisation dans ma démarche créative. Je l’ai tout d’abord expérimenté sur le premier sujet imposé de l’année, soit la création d’une petite robe noire dont le bustier a été intégralement réalisé avec le stylo.

Quelles ont été tes inspirations durant cette année de création ?

J’ai souhaité m’inspirer du végétal, mais plus particulièrement d’un aspect « parasite », que l’on retrouve sous le dessous de certains champignons. Un imaginaire linéaire, aux couleurs terreuses et dont l’aspect poreux m’intriguait. Les travaux d’Iris Van Herpen et de Gareth Pugh ont également été source d’inspiration pour mener à bien ma réflexion. HYBRID est une collection qui fusionne le végétal à la création de l’homme, d’où son nom.

Qu’est-ce qui t’a convaincu de garder le stylo 3D comme procédé ?

Je souhaitais absolument avoir recours à une technique inemployée tout en conservant un aspect fait main , ce que permettait le stylo.

Peux-tu nous expliquer son fonctionnement ?

Le stylo 3D s’apparente à un pistolet à colle. En y insérant des bâtonnets de plastiques, ceux-ci fondent à 215°, ce qui rend la matière liquide et collante, adhérant totalement à mes patronages. Une fois sec, le plastique est flexible, résistant et imperméable, il s’adapte aux mouvements, a une apparence proche de celle du vinyle et n’est pas fragile : un rendu en parfaite adéquation avec l’imaginaire que je souhaitais apporter à ma collection.

Quelles ont été tes limites ou les contraintes auxquelles tu as dû faire face durant la création de ta collection ?

Je n’ai pas eu de contraintes matérielles puisque j’ai eu la chance de faire un partenariat avec l’entreprise 3Doodler qui m’a fourni le stylo et ses accessoires. Il a par contre fallu que je m’adapte à la vitesse à laquelle je devais travailler avec le stylo, et réussir à adopter la technique adéquate pour la création de mes pièces. La limite du temps a aussi été l’un des éléments les plus contraignants à gérer. Ses derniers mois, j’ai passé entre 12 et 15 heures par jour sur la conception de ma ligne, j’estime avoir exploité au maximum le temps qui m’était imparti mais il a fallu être productive et efficace, et ce malgré les imprévus liés à la découverte de mon matériau. Mais ce n’est pas un regret, j’aime l’idée que tout ne peut pas être parfait, c’est aussi ce qui fait le charme d’une collection.

Le seul hic, est qu’étant végétalienne, je suis sensible à l’écologie et d’autant plus aux matériaux utilisés dans la mode… Le fait est que mon matériau n’était pas biodégradable…

Quelle femme vises-tu à travers ce projet ?

Je n’ai pas de cible précise. Mais si je devrais décrire la femme susceptible de porter mes créations, ce serait une femme concernée par l’innovation et la technologie, qui exerce une veille régulière sur ces sujets. Une femme ayant un intérêt prononcé pour la science et le design et qui possèderaient quelques connaissances dans ce domaine. Une femme comme Neri Oxman.

Quelle satisfaction tires-tu de ce projet ?

Je suis satisfaite de ma collection et du projet que j’ai pu développer en raison du temps donné et de l’appréhension de ma technique. Je suis persuadée qu’il reste encore beaucoup d’expérimentations à faire avec ce procédé !

Souhaites-tu développer ta collection afin de la commercialiser ?

La technologie n’étant pas encore au stade où j’aimerais qu’elle le soit, c’est-à-dire plus éthique et plus durable, je pense qu’avant de me lancer dans un tel projet, la recherche a encore bien des choses à nous montrer. De plus, il est encore un peu tôt en tant que jeune diplômée pour me lancer. Je souhaite d’abord vivre mes propres expériences pour des grandes maisons ou créateurs avant de me sentir apte à démarrer ma propre activité. Mais cela dit pourquoi pas une ligne de bijoux, déjà entamée pour HYBRID..

Peux-tu nous résumer ta collection en quelques mots ?

HYBRID est une nouvelle approche de la mode, intégrant un design futuriste à un vestiaire féminin doté d’une certaine classe.

La pièce phare de ta collection?

Les deux pièces tout en 3D. Et pour le textile : le gilet long.

Penses-tu que l’avenir de la mode réside dans l’innovation et la Tech ?

Oui absolument, la mode doit se sentir concernée par les problèmes liés à l’écologie, puisqu’elle est l’une des industries les plus polluantes qu’il existe. Recycler ce n’est pas assez. Il y a des matières que l’on ne devrait plus utiliser, même le coton bio qui génère énormément d’eau. La Tech et l’innovation vont permettre par la recherche le développement de matières plus responsables. Il y a de nouvelles techniques de confection à inventer, pour un mode de vie plus sain : pour nous et pour la mode.

Quel est le rôle, selon toi, de la Tech dans la mode ?

De trouver des solutions et de ne pas juste développer dans un but purement esthétique. Le monde de la mode est conscient mais ne porte pas assez d’intérêt au sujet, ni ne le maîtrise vraiment. Il faudrait plus de moyen de communication pour diffuser cette approche, en proposant autre chose que le vêtement classique. C’est en sortant de sa zone de confort que l’on est capable de créer. D’autant qu’il commence à émerger une vague de créateurs adhérant à ce mouvement : si le message passe, les grands groupes finiront par suivre également.

Que peut-on te souhaiter pour ta jeune carrière qui commence ?

D’apprendre de nouvelles techniques, de continuer mes recherches et expérimentations. Je souhaite poursuivre cet apprentissage auprès de jeunes créateurs ou maisons impliqués en recherche et développement.

Quels sont tes projets futurs ?

Je commence très prochainement mon stage de fin d’étude de 6 mois dans les ateliers d’Iris Van Herpen, pionnière de la FashionTech ! Il me tarde d’aller à la rencontre de son univers et de participer à l’élaboration de ses pièces hors du commun.

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