Tailles et retours dans le e-commerce

Depuis quelques années, le mouvement « body positivity » se développe. Il a participé à l’amorçage d’une dé-stigmatisation des morphologies plus variées, notamment « plus-size ». Pourtant, l’industrie de la mode tarde à permettre à chacun et chacune de s’habiller dans la tendance et de façon adaptée à ses formes.

Aux Etats-Unis, les tailles de jeans allant au-delà du tour de taille médian des américaines ne représentent que 13% des stocks dans les malls. Un boulevard pour les e-commerçants, qui représentent aujourd’hui le meilleur endroit pour trouver des vêtements à la bonne taille… Pourtant, le secteur fait face à un flux de retours énorme, qui met un frein à sa profitabilité.

 

Les retours massifs, point de douleur du e-commerce

Les marges des e-commerçants ne sont pas supérieures à celles des retailers physiques de façon inhérente. En effet, les coûts du e-commerce sont en majorité variables, alors que les coûts des commerçants physiques sont majoritairement fixes. Ainsi, ces derniers arrivent à augmenter leurs marges en augmentant leurs volumes. Ce n’est pas vrai pour le e-commerce, qui souffre du fort taux d’acquisition de nouveaux clients, ainsi que des coûts de supply chain ; en particulier lorsque des retours s’incluent à celle-ci. Les consommateurs s’attendent à des retours gratuits ; les compagnies qui n’arrivent pas à baisser la masse ou les coûts de leurs retours font donc face à un gros manque-à-gagner.

L’une des raisons majeures des retours massifs est la question de la taille : les consommateurs commandent le même produit en plusieurs tailles, dans le doute, puis renvoient celles qui ne correspondent pas. Le manque de transparence et d’uniformité dans les grilles de taille est un des facteurs de ce phénomène. Par ailleurs, les pures mensurations correctes ne suffisent pas à décider qu’un vêtement nous « va ». Parfois, même si les boutons se ferment, une pièce reste peu flatteuse. Les morphologies varient et ne sont pas mises en valeur de la même manière par toutes les coupes de vêtements.

Or, comment s’imaginer si tel ou tel vêtement nous « ira bien » si l’on le voit toujours sur un mannequin taille 36 ? Ainsi, de plus en plus de sites de e-commerce de vêtements proposent des fiches produits « size inclusive » (qui incluent plus de tailles) : celles-ci montrent le vêtement porté par des mannequins de tailles variées, permettant à chacun et chacune d’imaginer le vêtement sur une morphologie plus proche de la sienne. Ce processus, plus cher au départ (les coûts de production des fiches produits augmentent, puisque plus de photos doivent être réalisées), peut finalement permettre de diminuer la masse des retours — et de créer une communauté plus fidèle de consommateurs. Ainsi, la marque Universal Standards s’est créée autour d’une philosophie « size inclusive ». Attachée à l’idée de montrer un maximum de types de corps différents, la marque veut « donner aux femmes la liberté de leurs corps », dixit sa co-fondatrice Polina Veksler.

 

De nouvelles perspectives ouvertes par la technologie

De nombreuses start-ups comprennent l’opportunité qui est en train de se dessiner sur le marché et décident de s’en saisir. Au-delà des services dérivés de la réalité virtuelle, permettant d’essayer les vêtements à distance, qui n’ont pas encore véritablement révolutionné le shopping en ligne, de nombreux algorithmes permettent aux consommateurs de trouver les vêtements qui leur iront le mieux.

Ainsi, le site TrueFit utilise des intelligences artificielles pour permettre aux marques et aux distributeurs d’augmenter leurs revenus en permettant aux utilisateurs de trouver les bonnes pièces chez eux. En effet, les consommateurs ayant eu « une expérience d’essayage réussie » auraient 81% de chances de plus de revenir vers une marque. La philosophie du service ? « Rendre la mode facile et personnalisée ». En agrégeant les données sur la taille de nombreux retailers et marques, y compris les retours des consommateurs, le service peut comprendre comment les vêtements iront à telle ou telle morphologie et ainsi conseiller les consommateurs, leur recommandant les vêtements les plus adaptés.

Dans la même veine, les sites comme True & Co. et Third Love proposent des « fit quizzes », questionnaires qui aident les consommateurs à déterminer la taille qu’il leur faut chez différentes marques grâce aux retours d’autres consommateurs. Le quizz de True&Co. par exemple se concentre sur les soutien-gorge et pose une série de questions sur les problèmes récurrents que la consommatrice rencontre avec sa garde-robe actuelle (par exemple, si ses bretelles ont l’habitude de tomber ou plutôt de s’enfoncer dans sa chair).  Les algorithmes derrière le quizz sont ensuite capables de générer trois modèles qui iront « parfaitement » à la consommatrice.

 

L’œil de Look Forward

La question des retours et de la taille est une question brûlante de l’industrie de la mode. La personnalisation qui devient de plus en plus importante dans l’industrie devrait permettre de diminuer la masse des retours — soit grâce à une meilleure transparence sur les tailles et la façon dont elles épousent différentes morphologies, soit grâce à des services permettant une meilleure correspondance entre les corps des consommateurs et les proportions des vêtements de chaque marque.

Cette question peut aussi devenir moins pesante sur l’industrie si celle-ci arrive à diminuer le coût des retours. L’omnichannel peut être une des clefs de cette voie, permettant aux consommateurs de faire directement leurs retours en magasin ou dans des « return bars », à l’instar de la société Happy Returns. A terme, une meilleure logistique des retours pourraient permettre aux marques de suivre l’évolution du corps de chacun, à l’instar d’Universal Standards et de sa politique de retours unique. Les retours sont gratuits pendant un an, permettant aux consommateurs de renvoyer leurs vêtements si leur corps change. Selon les mots Polina Veksler : « Au lieu d’acheter des vêtements pour les corps qu’elles espèrent avoir, [nos consommateurs] peuvent acheter ce qui correspond à leur corps réel ». une philosophie qui convainc : l’entreprise a levé $7 millions de dollars en série A auprès d’investisseurs chevronnés.

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