Surenchère de l’UX : le client avant tout

Durant les trente glorieuses, période de forte croissance économique et d’amélioration des conditions de vie dans les pays développés de la planète, les consommateurs ont fait face à une poussée d’innovation produits et technologiques. Proposant aux prospects de nombreux produits, tous plus novateurs les uns que les autres et supportés par des campagnes publicitaires plus qu’omniprésentes, les marques se sont livrées bataille dans le but de se démarquer de leurs concurrents. Or, depuis maintenant une dizaine d’années, les technologies développées demandent de nombreuses recherches. La course à l’innovation étant de plus en plus soutenue, beaucoup de marques ont choisi de redéfinir leur stratégie marketing pour réenchanter l’expérience client.

 

L’expérience client se base sur le ressenti du prospect, les interactions que celui-ci a avec une entreprise, ce qui inclus l’ensemble des points de contact entre ces deux parties : les réseaux sociaux, le site web, l’application, les emails, les sms, les points de vente ou encore le SAV. Autant de canaux qu’il faut soigner si l’on veut que la stratégie UX d‘une entreprise soit efficace.

 

Au-delà de l’aspect marketing, l’UX se penche sur bien d’autres aspects tels que les process, la relation client, le management, l’organisation, la culture de l’entreprise ou encore ses valeurs. Aujourd’hui la qualité d’un produit, la bonne image d’une entreprise ou les bénéfices associés ne suffisent plus à satisfaire pleinement les consommateurs. A force de soigner la clientèle à coup de promotions, livraisons gratuites et autres avantages, les marques ont poussées leurs clients à être plus exigeants et la plupart ne commandent plus que sur les sites proposant ce type d’offres. Dorénavant, les clients cherchent à être touchés émotionnellement, sensoriellement ou à être stimulés d’une quelconque façon.

 

Vous l’aurez compris, l’enjeu des marques est de créer cette émotion en la plaçant au cœur du processus UX et ce, qu’il s’agisse d’e-commerce ou de retail traditionnel.

 

Une expérience online

Une expérience utilisateur réussie débute par la mise en place d’une plateforme dont l’utilisation est simple, fluide, sans fioritures. Pour cela il est important de prendre en compte que plus l’utilisateur est confronté à des obstacles, plus ce dernier perdra l’intérêt qu’il a pour la marque.

 

Même si les méthodes agiles, dont fait partie l’UX Design, préconisent de fonder une stratégie sur l’analyse du comportement de ses consommateurs, certaines constatations ont pu se vérifier sur de nombreux sites ainsi que sur des panels très variés. Ainsi, les utilisateurs n’affectionnent pas le fait de cliquer, il est donc nécessaire de diminuer ce type d’interaction en réduisant le niveau de profondeur du site.

 

Aussi, il est indiqué de créer une plateforme ayant un taux de chargement plutôt court afin de ne pas perdre les utilisateurs avant même qu’ils n’atterrissent sur le site ou sur l’application.

 

L’année 2017 ayant tout particulièrement marqué l’usage d’internet par le fait qu’on ait recensé, pour la première fois, plus de connexions internet via mobile que via ordinateur (Cf Digital in 2017, Global Overview – une étude de Wearesocial & Hootsuite), il est désormais indispensable qu’un site s’adapte à tous types d’usage. Il faut donc le rendre adaptatif, qu’il se module selon la taille de la fenêtre, mais aussi et surtout responsive, c’est-à-dire qu’il soit conçu pour convenir aussi bien aux mobiles qu’aux tablettes.

 

Toutefois, un site web ne peut plus simplement se contenter de proposer une facilité de navigation mais doit créer de l’envie chez le prospect. En suscitant de l’émotion auprès des utilisateurs, plusieurs e-commerces ont réussi à augmenter le panier moyen de leur clientèle habituelle ainsi que le taux de conversion. Si un internaute n’est pas tout à fait convaincu par un item, il pourra le devenir grâce à un encart mettant en avant les avis des consommateurs ou encore grâce à un zoom sur produit permettant de visualiser le moindre détail.

 

Quand le retail s’inspire d’internet et vice versa

L’exigence des consommateurs, qu’ils soient en ligne ou hors ligne, a poussé les entreprises à entremêler ces deux points de contact pour créer une stratégie omnicanale. Les clients veulent être reconnus comme personne unique. Pour pouvoir créer une telle expérience, l’UX designer doit observer les usages de sa clientèle pour rendre leur parcours plus simple et plus fluide, en trouvant des solutions répondant à leurs besoins. Les données récoltées tout au long de la navigation de l’utilisateur à travers l’ensemble des canaux de la marque, permettent de le replacer au centre du process. En d’autres termes, un client qui achète un produit en boutique se verra proposer, par mail ou sur le site de la marque par exemple, des offres adaptées aux informations récoltées et renseignées sur une fiche client digitalisée. Ainsi, l’e-shop de la marque proposera des produits similaires ou complémentaires à ceux achetés plus tôt en magasin. En plus de permettre de créer une expérience à 360°, les stratégies omnicanales permettent de mieux comprendre le processus de conversion des consommateurs et ce, grâce à un suivi et à une analyse détaillée de leur comportement.

 

Or, la mise en place d’une stratégie omnicanale n’est plus suffisante, les consommateurs veulent pouvoir non seulement utiliser l’ensemble de ces canaux en étant reconnus mais ils veulent aussi pouvoir les utiliser en même temps, créant ainsi une synergie entre les fonctionnalités d’un e-commerce et les avantages d’un point de vente. Un séduisant concept qui porte le doux nom de stratégie « Phygital ».

 

« Il s’agit notamment d’allier le côté rassurant d’un point de contact physique, la possibilité de « théâtralisation » ou d’immersion expérientielle d’un lieu avec la richesse informationnelle, commerciale et interactive du monde digital. » Matthieu Cheminal – HUB Institute

 

Ce phénomène a permis aux marques de se réinventer en proposant des services inédits ou du moins peu courants. De l’accueil en boutique à l’acte d’achat, en passant par l’essayage en cabine, les innovations phygitales peuvent intervenir à chaque étape du parcours d’achat. Comme nous vous l’annoncions lors d’un précédent article, GEMO est l’une des entreprises françaises à avoir saisi l’importance du phygital en faisant appel à divers services innovants comme l’e-réservation, permettant de mettre de côté un article que l’on veut essayer, ou AskAnna, une application permettant aux prospects de connaitre les avis d’influenceurs mode sur la tenue testée. A l’inverse, les e-commerces s’inspirent eux aussi des boutiques en ligne en proposant entre autres l’utilisation de chatbots, tels que The Chatbot Factory, dans le but de trouver le cadeau idéal pour la fête des mères ou l’ajout d’une technologie de réalité virtuelle pour tester des produits sans avoir à se déplacer en boutique, comme a pu le proposer L’Oréal avec l’application Makeup Génius. L’intégration de telles technologies permet de pallier aux manques induits par une expérience en ligne plus traditionnelle.

 

 

Make up Genius App by Sephora
Credit photo : Make up Genius by L’Oréal

 

Le e-commerce gagne du terrain, et enregistre des croissances annuelles à deux chiffres depuis 10 ans, tandis que le commerce physique tend à stagner en termes de croissance. Cependant, les chiffres d’affaires générés par le e-commerce sont encore loin derrière ceux du commerce traditionnel. Pour ne citer qu’un exemple, en 2014, aux Etats-Unis, le e-commerce a généré 304 milliards de dollars, qui ne représentent que 6,4% du chiffre d’affaires enregistré par le commerce en général. Les 93,6% restants ont été générés « in-store », et équivalent à quelques 4,4 billions de dollars (Source : eMarketer).

 

Mais alors, comment attirer l’attention des consommateurs lorsque la plupart passent devant les vitrines des magasins, le nez collé à leur écran de téléphone ?

 

Les retailers physiques doivent redoubler d’efforts pour maintenir une certaine attractivité. La révolution digitale les a obligés à se renouveler sans cesse avec des concepts toujours plus innovants dans le but de créer des passerelles entre retail physique et digital, d’où l’avènement du phygital. L’objectif étant de créer une véritable émotion qui constituera une valeur ajoutée par rapport à ce que pourrait apporter la vente en ligne.

 

 La 5th Avenue, une référence en termes  d’expérience client

 

Fifth avenue, NYC
 

Pour se rendre compte de l’ampleur qu’a pris le phénomène, il suffit de se rendre à Manhattan, notamment aux alentours de la 5th Avenue, où toutes les grandes marques disposent de leur « flagship store », comprenez leur boutique principale, leur magasin vedette, le plus grand, le plus beau, celui qui représente l’essence même de la marque. Le terme signifie aussi vaisseau amiral en anglais, ce qui en dit long sur l’importance stratégique de cette boutique. Pour ce flagship, les marques n’hésitent pas à mettre le paquet, et la 5th Avenue se transforme en un vrai parc d’attraction de l’expérience client. Et puisque les enseignes se trouvent dans un périmètre restreint, les marques doivent redoubler d’inventivité pour inciter les consommateurs à se rendre dans leur boutique, et mieux encore : à augmenter leur taux de transformation !

 

Parmi les exemples les plus disruptifs, on trouve les marques Nike et Adidas, qui proposent toutes deux à leurs clients de tester leurs produits sur de vrais terrains de basket, de football, ou encore sur des tapis de course. On retrouve dans les magasins des deux marques, la possibilité de personnaliser ses baskets, via des bornes. Grand classique de l’expérience client, l’ultra personnalisation a fait ses preuves. Nike intègre une portée digitale en entourant les terrains d’écrans géants afin de rendre l’expérience la plus réaliste et unique possible. Il est ainsi possible de tester des paires de running sur un tapis de course, disposé en face d’écrans géants qui vous transporteront à Central Park, et évolueront avec vous le temps de votre footing fictif. Quant à Adidas, l’entrée de leur « Mégastore » sur la 5ème avenue s’apparente au corridor d’un stade américain, le sol à celui d’une salle de sport, les bancs à ceux de vestiaires, et vous y trouverez même les fameuses fontaines à eau, présentes dans tout « college » et stades américains qui se respectent. Une dimension culturelle qui a son importance puisqu’elle a une forte influence sur la clientèle de la marque. Et si le sportif qui sommeille en vous est fatigué d’avoir parcouru les quelques 10,000m2 que constituent ce megastore, vous pourrez vous poser sur les gradins présents en magasin et regarder un match sur grand écran, en toute simplicité.

 

 

Adidas NYC flagship
Entrée du flagship Adidas, 5th Avenue, NYC – Crédit : Adidas

 

Moins tape à l’œil, Ralph Lauren, en collaboration avec la start-up Oaks Labs, a installé en cabines d’essayage des miroirs connectés. Une étape non négligeable puisque selon une étude menée par le site Alerttech, le passage en cabine multiplie le taux de conversion par sept en moyenne. La cabine est équipée d’un système de capteurs RFID qui repèrent grâce aux étiquettes présentes sur les articles, les produits apportés en cabine. Le miroir fonctionne à la façon d’une tablette et permet au client de choisir une ambiance, un type de lumière, mais aussi de demander une nouvelle taille ou couleur, et ce dans la langue de son choix. La solution propose aussi des recommandations, comme une ceinture si le client essaye un pantalon, ou bien des escarpins si l’un des articles est une robe. Chacune des demandes est transmise au personnel en boutique sur leurs propres tablettes et le client peut même choisir de recevoir son panier par sms afin de procéder à l’achat ultérieurement. Plus qu’une attraction pour le client, il s’agit d’une mine d’informations pour l’enseigne qui peut alors exploiter les données collectées pour piloter sa stratégie.

 

L’ŒIL DE LOOK FORWARD

La question peut se poser, si la surenchère des nouvelles expériences clients est un moyen de drainer du trafic ou de faire parler de soi ? Quand certaines innovations peuvent être considérées « gadgets », d’autres font leurs preuves en termes de revenus.

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