Dress to protest : la mode peut-elle réellement avoir un impact sur la société ?

Dans la parution du mois de Février du magazine Vogue, Sarah Mower s’est posée cette question : « Avec toutes ces raisons de se sentir indignés, comment la mode peut-elle contribuer à une riposte ? De milles façons différentes. »

L’industrie de la mode n’aura jamais été aussi impliqué au regard des enjeux politiques, économiques et sociaux. Les acteurs principaux de l’industrie ont bien compris qu’ils ne pouvaient plus se cacher derrière le glamour, les paillettes et l’élégance que renvoie ce secteur à première vue. L’industrie de la mode est au coeur de tous les paradoxes : entre luxe et misère, permanence et obsolescence, provocation et classicisme, elle joue comme un miroir complexe de notre réalité et dessine ses tissus et ses matières à l’image de notre époque, à la mode gender fluid, dont l’impulsion fait trembler les fondations du patriarcat au sein duquel les violences sexistes s’inscrivent. La mode en dit énormément sur notre époque, et les consommateurs sont de plus en plus soucieux de l’éthique d’une marque, penser la mode c’est penser les femmes et les hommes qui la portent mais aussi celles et ceux qui la conçoivent, la fabriquent, la transportent ou la vendent.

Happening vestimentaire

Les marques sont de plus en plus nombreuses à s’engager, le monde de la mode est entrée dans une nouvelle ère.

Première femme à la tête de Dior, Maria Grazia Chiuri entérine une nouvelle fois l’idée d’une mode féminine et féministe. « Why Have There Been No Great Women Artists ? »(pourquoi n’y a-t-il pas de grandes femmes artistes ?), pouvait-on lire sur la marinière portée par une des mannequins ouvrant le show de la maison. Une revendication que l’on doit à la chercheuse américaine en histoire de l’art Linda Nochlin et titre de son ouvrage consacré à la place des femmes dans ce milieu réputé macho.

En effet, les défilés de mode peuvent être le lieu de protestations improvisées, en Juin 2017 lors de la Fashion Week de Milan, le podium de Dolce & Gabbana a été le théâtre de revendication politique. Raury un rappeur américain qui défilait pour la marque, a profité du show pour protester contre le fait que la griffe italienne habille la première Dame des Etats-Unis, Melania Trump. Lors du final du show, le chanteur a enlevé son sweat-shirt pour dévoiler son torse, sur lequel on pouvait lire « Protestez », « D&G donnez-moi la liberté » et « Je ne suis pas votre bouc émissaire ». Alors que d’autres modèles passent à côté de lui, Raury se tient immobile, au centre de la piste et le poing levé, reprenant la pose de Tommie Smith et John Carlos lors des JO de 1968, pour faire passer son message de désapprobation et marquer les esprits.

 

 

 

La conscience politique semble être devenue pour la mode un fil rouge incontournable, en effet ces dernières années, les cérémonies de remises de prix cinématographiques ont régulièrement été un « terrain » de revendications ou de solidarité. En janvier 2017, lors des Screen Actors Guild Awards, Kerry Washington portait une épingle à nourrice sur sa robe pour protester contre la politique de Donald Trump. Un mois plus tard, lors des Oscars, Emma Stone avait porté un logo du Planned Parenhood (le planning familial américain) puis, comme d’autres, apporté son soutien à l’ACLU (Union américaine pour les libertés civiles) en arborant un ruban bleu. En janvier 2018, on a vu les invités des Golden Globes se vêtir de noir pour soutenir le mouvement Time’s up, lancé par l’industrie du cinéma suite aux révélations fracassante sur l’affaire d’Harvey Weinstein, producteur et distributeur accusé de harcèlement, agressions sexuelles voire viols par des dizaines femmes. Shonda Rhimes, Natalie Portman, Ashley Judd et America Ferrera ont été galvanisées pour créer cette campagne et, plus important encore, créer des fonds pour aider les femmes à lutter contre la prédation sexuelle sur le lieu de travail. Souhaitant renforcer le soutien, une demande a été faite pour que les Golden Globes Awards de janvier 2018 adhèrent à un code vestimentaire entièrement noir . Pénélope Cruz, Margot Robbie, Nicole Kidman, Jessica Biel et Angelina Jolie se sont affrontées au tapis rouge de la tête aux pieds, tout comme Chris Hemsworth et Ewan McGregor.

 

 

Quelques semaines plus tard, l’équipe de Times Up a demandé que les participants aux Grammys portent du blanc ou une rose blanche. Lady Gaga, Heidi Klum, Miley Cyrus et Zayn Malik se présentent avec des roses blanches à la main. La chanteuse Lorde a porté les mots de l’artiste américaine Jenny Holzer comme un signe sur le dos de sa robe, qui disait: «Nos temps sont intolérables. Prenez courage, car le pire est un signe avant-coureur du meilleur. Seules des circonstances désastreuses peuvent précipiter le renversement des oppresseurs.  »

La mode, un média comme un autre ?

L’industrie de la mode est dans une ère de l’image, où tout les moindres faits et gestes des grandes maisons de mode sont épiés. Certains ont réussi à tirer ce pouvoir à des fins politiques et d’autres ont appris cette dimension à leurs dépens. En effet, H&M a été la victime d’une indignation générale à cause d’une photo publiée sur leur site e-commerce jugée par la plus grande partie raciste et provocatrice. La marque a subi plusieurs appels au boycott et de nombreuses personnalités ont pris part à ce boycott. The Week-end ayant déjà collaboré avec la marque a déclaré le lendemain des faits :  « Ce matin, je me suis levé, choqué et embarrassé par cette photo. Je suis profondément offensé et je ne travaillerai plus jamais avec H&M ». Même initiative de la part du rappeur G-Eazy qui était supposé lancer une ligne de vêtements avec la marque scandinave. « Qu’il s’agisse d’un oubli inconscient ou non, il est vraiment triste et perturbant que quelque chose d’aussi insensible d’un point de vue racial et culturel soit vue par les yeux de tant (styliste, photographe, équipes créatives et marketing) et jugée acceptable« .

L’oeil de Look Forward

Hollywood pourrait faire la une des journaux, cependant, un soulèvement beaucoup plus symbolique a eu lieu en Iran. Depuis décembre, plus de 30 femmes ont été arrêtées pour avoir retiré leur voile en public au mépris de la loi. Contrairement à beaucoup d’autres pays, le port du foulard est une obligation légale en Iran, et lorsque Vida Movahed, mieux connue sous le nom de Girl of Enghelab Street, a enlevé son écharpe à Téhéran et l’a agitée sur un bâton, elle a été arrêtée. D’autres femmes ont suivi et ont également été arrêtées. Alors que la plupart ont été libérées sous caution, une femme encore anonyme a été condamnée début mars à deux ans de prison pour avoir encouragé « la corruption par le retrait du hijab en public ».

Bien que l’on puisse penser que les manifestations d’Hollywood sont banales en comparaison, il semble, vu comme un tableau plus large, qu’il existe une vague de soutien au changement.

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