Le « Gender-Fluid » Streetwear : réalité ou utopie pour la génération Z ?

Le streetwear ne fait plus partie des genres mineurs de la Mode. Le style a cependant évolué comme toute tendance amenée à être adoptée par le grand public. Aujourd’hui, le streetwear est considéré comme une industrie lucrative quasiment aux antipodes de l’anti-mode des débuts : l’esprit novateur et révolutionnaire du passé semble avoir disparu.

En parallèle et de manière paradoxale, la future principale génération de consommateurs qu’est la génération Z, suivant de près les Millennials, plébiscite le streetwear comme style vestimentaire favori, en témoigne une étude du cabinet Piper Jaffray faite sur des adolescents américains ce printemps.

Lorsque l’on analyse de plus près les intérêts de cette génération face à la mode, un critère conceptuel prend également de l’importance : l’identité de genre. En effet, plus que ses prédécesseurs, la génération Z souhaite exprimer un plus large panel d’identités de genre, ne serait-ce qu’à travers le vêtement. La binarité des genres (masculin / féminin) qui règne en maître ne va bientôt plus satisfaire ou du moins frustrer une partie grandissante de cette jeune génération qui est dans l’attente de plus de propositions stylistiques allant dans ce sens.

En effet, plus que ses prédécesseurs, la génération Z souhaite exprimer un plus large panel d’identités de genre, ne serait-ce qu’à travers le vêtement.

Mais alors comment concilier streetwear et fluidité des genres ? Si le streetwear continue à valoriser les expressions originales et individuelles, il faut constater que l’industrie reste dans une esthétique masculine ; qui plus est classique sur ce concept du genre. Les femmes dans le streetwear commencent à marquer le ton depuis deux décennies mais lorsqu’il s’agit d’identité de genre, le résultat reste encore, pour beaucoup de marques et labels, la symétrie glamourisée du vestiaire « street » masculin, à en juger par la dernière collection Fenty x Puma.

Dans ce cas, quel type de streetwear sera majoritairement adopté par cette génération bercée par Internet et revendiquant des valeurs rejetant la binarité des genres ?

 

Rihanna – Fenty x Puma

Tenter la féminisation plus affirmée du streetwear masculin

L’industrie du streetwear gagnerait en détournant les préjugés liés au genre dans la mesure où cette mode a connu son succès dans le multiculturel et multi-inspirationnel. La féminisation du vestiaire masculin dans la Mode a toujours été réceptionnée de manière frileuse par le public : des hommes en jupe ? Mais quelle idée ! Déjà ironisée chez la mode dite « traditionnelle », cette audace l’est encore plus au sein de la culture streetwear qui persiste à mettre en valeur le fantasme de l’homme « ultra-viril » issu des quartiers. Pourtant, la génération Z souhaite redéfinir la masculinité : cette redéfinition doit donc s’opérer dans le streetwear au travers de collections qui bousculent l’ordre établi et en renforçant la mise en lumière de personnalités qui y participent, Jaden Smith et Young Thug en tête ou encore Eddy de Pretto en France.

 

 

Jaden Smith – Teen Vogue

Défendre un « post-gender » streetwear, axé sur la déconstruction des normes de genre

On assiste progressivement dans le streetwear à la naissance de marques qui ont pour ligne de conduite la fluidité des genres. Des labels luxe-streetwear comme Y Project, Ambush Design ou encore Koché participent de manière subtile à une nouvelle ère du streetwear qui se décomplexe des codes binaires de l’expression du genre : associations audacieuses, déconstruction des silhouettes, emprunts assumés à l’une ou l’autre garde-robe, … les possibilités sont infinies. De manière complémentaire, nous assistons au développement de marques plus moyenne-gamme qui se considèrent ouvertement comme « gender-fluid » et qui renouent avec l’esthétique des origines du streetwear. Genkstasy, une marque australienne, est un exemple d’offre face à cette demande croissante.

 

Genkstasy Gang: Brandon, Tahlz, @ihatejoeljean & Tullia

 

Populariser cette fluidité chez les grandes marques de streetwear/sportswear

Enfin, est-ce que des géants comme Adidas ou Nike seraient prêts à populariser ce concept ? Ces marques, favorites auprès de la génération Z, devraient également s’axer dans cette direction pour s’adresser plus largement à cette génération qui ne se reconnait plus en majorité dans la dualité masculin contre féminin. Face à la difficulté de modifier un ADN de marque déjà fort, nous pouvons observer trois solutions pour démocratiser le concept de fluidité de genre chez ces grands groupes :

  • proposer uniquement des collections capsules « gender-fluid » voire une branche entière ou marque-fille dans la lignée de Adidas Originals chez Adidas par exemple.
  • mettre plus en avant des égéries et muses à l’identité non figée : le syndrome d’identification est toujours fort chez la jeune génération ; ces personnalités représentent leur époque et l’évolution de la société.
  • la dernière solution correspond à la tendance actuelle dans l’industrie du streetwear : les collaborations. Mettre en avant la participation d’un(e) designer ou d’une marque émergente qui proposerait une nouvelle vision dans ce sens à la marque servirait de tremplin pour intéresser cette nouvelle clientèle.

Ce nouveau développement créatif autour de la fluidité des genres participe donc à légitimer l’existence du concept, encore trop perçue comme rébellion passagère face aux normes d’une société encore bien ancrées. Le streetwear, style renforcé par une longue domination de communautés masculines et qui perpétue des clichés sur le masculin et le féminin, doit s’ouvrir à cette déconstruction des acquis pour perdurer au travers de la génération Z et retrouver les valeurs qui ont fait son succès. Et si un jour la fluidité des genres dans le streetwear devenait la norme ?

 

Camille ELLERT, assistante-styliste IRL by Showroomprivé ©

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