« Les nouvelles technologies n’ont pas fait vaciller les écoles de mode, au contraire »

Les écoles de mode en France peuvent-elles suivre le rythme effréné de la Fashion Tech ? Oui, à condition d’ouvrir les programmes de formation à ce nouvel horizon et surtout d’apprendre aux étudiants à toujours avoir un train d’avance. Explications avec Céline Abecassis-Moedas, professeur affilié à l’ESCP Europe, et co-directrice académique de la chaire ESCP Europe Lectra Fashion & Technology.

Quels sont les challenges que rencontrent les écoles pour suivre la cadence des innovations dans le secteur ?

Il est vrai que l’industrie de la mode avance vite et les écoles un peu moins. L’ESCP a fait partie des écoles pionnières dans le domaine en lançant en 2015 le cours « Fashion & technology ». C’était le premier sur le sujet en France et probablement en Europe. Nous avons tout de suite voulu associer à la théorie, la pratique en invitant des managers à partager leur expérience avec nos étudiants, en multipliant les cas pratiques qui offrent un « zoom » sur des problématiques spécifiques et en faisant travailler les étudiants sur des projets réels. Cette année, nos étudiants ont analysé les stratégies Instagram de grandes marques de mode telles que Nike ou Chanel. Ils ont décortiqué les publications des marques, les commentaires des internautes, ont interviewé des community managers. Tout ceci doit leur permettre d’être le plus à jour de ce qui se fait dans la Fashion Tech.

 

Céline Abecassis-Moedas, professeur affililé à l’ESCP Europe

 

Quel pourrait être l’écueil à éviter dans ce type de formation ?

Dans la formation, en général, il y a deux écueils extrêmes : ne parler que du passé, ou ne parler que du futur. Dans la Fashion Tech, l’un ne va pourtant pas sans l’autre : il faut donner une perspective historique à ces nouvelles technologies. Il ne faut pas oublier sur quoi reposent ces innovations, se rappeler que le textile a connu avant cela des transformations majeures notamment lors des révolutions industrielles. Sans cela, on peut avoir facilement l’impression que ce qu’on fait est inédit, alors que pas nécessairement. L’impact de certaines innovations est à remettre en perspective. Par exemple, internet ne va pas signer l’arrêt de mort des boutiques, tout comme les robots n’ont pas encore remplacé les ouvriers. Cette mise en perspective permet de créer un fil conducteur avec la quatrième révolution industrielle dans laquelle la mode s’est engagée.

Comment se situent les écoles françaises de mode en regard de ces challenges ?

La France et les écoles de mode françaises sont bien vues dans le monde. Aussi l’industrie française de la mode bénéficie toujours d’une très bonne réputation. Ces nouvelles technologies n’ont pas fait vaciller les écoles françaises de mode, au contraire. Malgré le bouleversement technologique, l’IFM, pour ne citer que cette école, reste en tête du classement de « Business of Fashion » en 2017.

L’oeil de Look Forward

La vague digitale et entrepreneuriale qui s’impose en France ne touche pas que les écoles de commerce ou d’ingénierie : les écoles de mode, qu’elles soient privées ou publiques, ont compris l’apport de la technologie dans leur secteur d’activité et n’ont de cesse de se réinventer pour coller au mieux les attentes des grands groupes et ETIs de l’industrie de la mode (au poids plus que prépondérant dans l’économie française) tout en gardant en tête leur héritage culturel et manufacturier.

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