#LFFT2017 : des Vêtements qui Protègent notre Vie Privée

Si la fonction première du vêtement se veut être protectrice, nous lui avons attribué au fil des années de nouvelles appétences comme celle de vitrine sociale, permettant de retranscrire au reste du monde ce que nous sommes : nos goûts, notre humeur, notre personnalité, notre identité… Alors qu’une vague de technologies et d’innovations digitales a bouleversé l’ensemble des secteurs d’activité, la mode a, elle aussi, vu son secteur se transformer. Permettant de donner une nouvelle dimension créative aux œuvres des fashion designers, les nouvelles technologies ont su redéfinir le rôle du vêtement. Face à la digitalisation des données et à la surexposition de nos informations personnelles, certains créateurs ont fait le choix de prendre cette tendance à contre-courant en proposant de se concentrer sur notre intimité pour effectuer un voyage introspectif et protéger notre vie privée.

 

Se déroulant en juillet dernier, le Look Forward FashionTech Festival a permis au grand public de prendre connaissance des problématiques majeures de notre société. Des phénomènes qui n’ont de cesse de prendre de l’ampleur face un environnement de plus en plus disruptif et digitalisé, encourageant les individus à surexposer leur vie privée. Nous vous présentons aujourd’hui 7 créations exposées lors du l’édition 2017 du festival qui traitent du lien entre l’intimité de l’individu et la société.

 

Anti-survaillance coat – Kovr

 

 

C’est dans le but d’alerter le grand public sur la quasi impossibilité de contrôler ses données personnelles que le duo d’artiste Kovr, composé de Marcha Schagen et Leon Baauw, a réalisé l’Anti-surveillance Coat. L’avènement d’internet a engendré une diffusion massive des données tant informationnelles que personnelles, donnant la possibilité aux personnes physiques et morales de les obtenir et de les utiliser à leur gré. Déviant de l’utilisation traditionnelle d’un vêtement, ce manteau permet de se protéger de cette nouvelle sphère de surinformation. Véritable bouclier contre les ondes et les radiations, le tissu métallifère a été utilisé dans l’élaboration du manteau afin de rendre intraçables les puces électroniques présentes dans les objets de notre quotidien, tels qu’une carte bleue ou des clés de voiture. Toutefois, le manteau contient une poche noire permettant de garder son téléphone portable actif si nécessaire.

 

Aposematic Jacket – Shinseungback Kimyonghun

 

 

Certaines innovations dans le milieu de la mode sont le reflet des problèmes sociétaux actuels. En effet, l’omniprésence de certaines problématiques pousse les créateurs à trouver des solutions permettant d’apaiser les esprits et de sécuriser les populations. Avec l’Aposematic jacket, Shinseungback Kimyonghun a souhaité mettre au point une veste dissuadant les agresseurs de passer à l’action. Quand on sait qu’en moyenne environ 8 français sur mille ont été victimes de violences en 2016 et que ce chiffre a augmenté de 4% par rapport à l’année précédente (Cf Le Figaro), il n’est pas étonnant d’apprendre que de nombreuses innovations ont été mises au point afin de réduire ces statistiques. Comme le nom de la veste l’indique, la création s’inspire du système de protection de certains animaux. En effet, l’aposématisme désigne le fait de prévenir son prédateur que nous sommes un potentiel danger pour celui-ci grâce à des signaux, comme par exemple une couleur vive. Afin de réfréner les tentatives d’agression, le designer a ajouté à la veste plusieurs appareils photos. Ces derniers préviennent l’agresseur qu’il risque d’être photographié s’il tente d’attaquer le porteur de la veste. En effet, celui-ci peut déclencher l’ensemble des appareils en appuyant sur un seul et unique bouton. Il pourra ainsi capturer la scène en 360° et la diffuser automatiquement sur internet. Au-delà de servir de garantie de sécurité, la veste pourrait, dans un avenir plus ou moins proche, devenir une condition sinequanone au traitement de dossier d’assurance en cas d’affaires d’agressions ou de vols.

 

 

 

 

Enlightenment – Birce Ozkan & Betty Quinn

 

enlightenment birce ozkan betty quinn

 

Autre création exposée lors du Look Forward FashionTech Festival 2017 : Enlightenment de Birce Ozkan & Betty Quinn. Les deux artistes ont souhaité réaliser un vêtement permettant de se reconnecter avec soi-même et de traduire l’état méditatif dans lequel se trouve son porteur. C’est au travers des battements d’ailes du papillon incrusté à la jupe interactive que le vêtement retranscrit l’humeur de son porteur. La jupe est connectée à un casque d’électroencéphalographie (EEG) qui permet de récolter les données d’activité cérébrale et de définir le rythme auquel les ailes du papillon s’activent. Plus l’état méditatif du porteur est important, plus les ailes battent rapidement.

 

Chameleon Scarf – Neffa

 

 

 

 

Tout comme la veste Aposematic de Shinsenugback Kimyonghun, l’écharpe confectionnée par Aniela Hoitink, alias Neffa, est directement inspirée des instincts de survie des animaux. Pour cette création, Neffa s’est attardé sur le comportement des caméléons qui, selon les couleurs environnantes, la température ainsi que son état psychologique change de couleur. Tout comme la peau du caméléon, la Chameleon Scarf est constituée de plusieurs couches de différentes couleurs. Ainsi, la création s’adapte aux humeurs et à la température ressentie par son porteur, permettant de visualiser ses besoins avant même qu’il n’en prenne conscience ! L’encre noire thermochromique disparait lorsque la température du corps augmente à la suite d’une vive émotion. La partie verte de l’écharpe est quant à elle sensible aux variations de luminosité, puisque imprimée avec de l’encre photoluminescente. Le blanc, quant à lui, est imprimé à l’aide d’encre photochromique réagissant aux lumières UV. Ainsi, le blanc se modifie tout doucement pour devenir orange selon l’intensité des rayons UV auxquelles la création est exposée.

 

Synapse Dress – Anouk Wipprecht

 

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Synapse Dress par Anouk Wipprecht – Crédit : Jason Perry

 

Après avoir présenté sa Spider Dress au Look Forward FashionTech Festival de 2016, Anouk Wipprecht est revenue lors de l’édition 2017 avec une nouvelle création : la Synapse Dress. Fruit d’une association inédite entre l’impression 3D et la Neurotechnologie, la robe capte les humeurs et le comportement de son porteur grâce à de capteurs et à un casque d’électroencéphalographie. Puis, elle les analyse pour les rendre visibles via un système de lumières intégrées. Ainsi, si le porteur fait l’objet d’une forte émotion, une caméra dissimuler dans la robe se mets en marche et enregistre les raisons de cette réaction.

 

Can’t de « Can’t & Won’t » – Ying Gao

 

 

 

 

La série de robes « Can’t & Won’t » réalisée par Ying Gao tire son inspiration de la vie microbienne. Ces créations s’activent selon un système de reconnaissance d’expressions faciales. Pour pouvoir admirer des robes en mouvement, les visiteurs ont dû adopter une expression neutre et statique. Alors que nous avons pour habitude d’associer la communication à l’expression, qu’elle soit orale ou visuelle, l’artiste nous a permis de découvrir un langage qui ne peut voir le jour que s’il fait face à une retenue absolue de la part d’autres individus.

 

Issho – Pauline van Dongen

 

 Issho by Pauline van Dongen
Issho par Pauline van Dongen – Crédit : Sharon Janes D

 

A l’inverse des œuvres que nous avons pu vous présenter précédemment dans cet article, la création suivante encourage l’interaction sociale et pousse son porteur à profiter de ses moments privilégiés. C’est en collaboration avec ItalDenim que Pauline van Dongen a créé une veste connectée en denim. Plus qu’une veste, Issho est une réelle présence rassurante pour le porteur. Intégrant des fils conducteurs qui la rendent sensible au toucher, la veste enregistre en toute autonomie les interactions de son porteur avec les individus extérieurs. Ainsi, grâce à de discrets moteurs à vibrations localisés dans le haut du dos, la veste promulgue des caresses rassurantes permettant au porteur de se sentir plus en confiance, instaurant ainsi un lien tout particulier entre la veste et la personne qui la porte. L’essayer, c’est l’adopter !

 

Beaucoup d’artistes se sont inspirés des craintes sociales et se servent des technologies comme solutions pour s’isoler et parfois même disparaitre aux yeux du monde extérieur. D’autres cherchent à entretenir les liens qui unissent les individus entre eux afin de recréer une proximité sociale souvent aliénée par la technologie. Si la fonction initiale du vêtement était de protéger notre corps, celle-ci s’est depuis transposée et amplifiée pour venir englober l’entièreté de ce que nous sommes et parfois même augmenter nos capacités faisant de nous des surhommes.

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